Les journées Aléa réunissent chaque année une petite centaine de personnes qui s'intéressent aux structures aléatoires discrètes issues de diverses disciplines : l’informatique théorique, les mathématiques discrètes, la théorie des probabilités, la physique statistique, la bio-informatique. Au-delà de ces journées, la vie du groupe est animée par le groupe de travail Alea du GDR IM, fondé par Philippe Flajolet vers la fin des années 90.
Les cours cette année
- Philippe Dumas : Complexité fine du diviser-pour-régner.
Résumé.
Les récurrences diviser pour régner, qui fréquemment relient les valeurs d'une suite en un entier et sa moitié, tirent leur nom de la stratégie diviser pour régner communément employée en algorithmique. Mais elles apparaissent aussi dans des problèmes de dénombrement liés à la combinatoire des mots ou à la combinatoire des partitions, ou encore en lien avec les séries algébriques à coefficients dans un corps fini, voire de manière inattendue dans des questions d'optimisation. Leur aspect exotique et les différentes formes qu'elles peuvent prendre leurs confèrent un aspect déroutant et nous montrons comment il est possible de les appréhender. L'analyse combinatoire, l'analyse d'algorithmes font étudier le comportement asymptotique des solutions de ces récurrences. Nous envisageons différentes approches depuis les plus élémentaires jusqu'au plus sophistiquées, utilisant au choix l'algèbre linéaire, la théorie analytique des nombres ou la théorie des probabilités.
- Bénédicte Haas : Introduction aux processus de fragmentation.
Résumé.
Les processus de fragmentation sont des modèles aléatoires pour décrire l'évolution d'objets (particules, masses) sujets à des fragmentations successives au cours du temps. L'étude de tels modèles remonte à Kolmogorov, en 1941, et ils ont depuis fait l'objet de nombreuses recherches. Ceci s'explique à la fois par de multiples motivations (le champs d'applications est vaste : biologie et génétique des populations, formation de planètes, polymérisation, aérosols, industrie minière, informatique, etc.) et par la mise en place de modèles mathématiques riches et liés à d'autres domaines bien développés en Probabilités, comme les marches aléatoires branchantes, les processus de Lévy et les arbres aléatoires. L'objet de ce mini-cours est de présenter les processus de fragmentation auto-similaires, tels qu'introduits par Bertoin au début des années 2000s. Ce sont des processus markoviens, dont la dynamique est caractérisée par une propriété de branchement (différents objets évoluent indépendamment) et une propriété d'auto-similarité (un objet se fragmente à un taux proportionnel à une certaine puissance fixée de sa masse). Nous discuterons la construction de ces processus (qui incluent des modèles avec fragmentations spontanées, plus délicats à construire) et ferons un tour d'horizon de leurs principales propriétés.
- Christian Krattenthaler : Déterminants dans l'énumération.
Résumé.
Les déterminants jouent un rôle important dans plusieurs domaines de l'énumération, notamment dans l'énumération de pavages et de chemins, les deux étant fortement liées. Le but de ce cours sera, premièrement, de donner un survol des résultats et techniques qui sont disponibles, et, deuxièmement, de faire une introduction au programme de «modélisation d'électrostatique à l'aide des pavages en losanges» initié par Mihai Ciucu.
Les exposés longs
- Jérémie Bouttier : Processus de Schur et modèles de dimères.
Résumé.
Un processus de Schur est une suite aléatoire de partitions d'entiers vérifiant certaines conditions d'entrelacement. Nous établissons une correspondance générale entre de telles suites et des configurations de dimères (couplages parfaits) sur des graphes plans appelés «gares de triages». Comme cas particuliers nous retrouvons les partitions planes et les pavages par dominos du diamant aztèque (ayant fait l'objet d'un cours lors de la précédente édition d'Aléa !). Par une approche par matrice de transfert reposant sur la «correspondance boson-fermion», nous donnons des expressions explicites pour la fonction de partition (série génératrice des configurations) et les fonctions de corrélations (probabilités d'occupation des arêtes). Le comportement asymptotique de ces expressions peut être analysé, et permet ainsi de caractériser les formes-limites de nos objets (généralisant le fameux phénomène de cercle arctique pour le diamant aztèque). Enfin, grâce à une réinterprétation bijective de nos calculs, nous donnons un algorithme de génération aléatoire parfait pour le processus de Schur. Cet exposé s'inspire de travaux en commun avec Dan Betea, Cédric Boutillier, Guillaume Chapuy, Sylvie Corteel, Sanjay Ramassamy et Mirjana Vuletić.
- Peggy Cénac-Guesdon : Bestiaire de chaînes de Markov à mémoire variable et marches
aléatoires persistantes.
Résumé.
Les chaînes de Markov à mémoire de longueur variable constituent une classe de sources probabilistes. Il sera question dans cet exposé d’existence et unicité de mesure invariante pour une collection d’exemples de chaînes. Nous nous intéresserons également au comportement asymptotique d’une marche aléatoire dont les longueurs de sauts ne sont pas forcément intégrables. Les lois de sauts dépendent partiellement du passé de la trajectoire. Plus précisément, la probabilité de monter ou de descendre dépend du temps passé dans la direction dans laquelle le marcheur est en train d’avancer. Un critère de récurrence/transience s’exprimant en fonction des paramètres du modèle sera énoncé. Suivront plusieurs exemples illustrant le caractère instable du type de la marche lorsqu’on perturbe légèrement les paramètres. Les travaux décrits dans cet exposé ont été faits en collaboration avec B. Chauvin, F. Paccaut et N. Pouyanne ou B. de Loynes, A. Le Ny et Y. Offret.
- Pierrick Gaudry : Des problèmes aléatoires au cœur des algorithmes de factorisation
d'entiers.
Résumé.
Encore loin des canons académiques, de nombreux produits cryptographiques en usage aujourd'hui utilisent encore le systèmes RSA dont la sécurité repose sur la difficulté présumée de factoriser les entiers. Le meilleur algorithme connu pour s'attaquer à ce problème est le crible algébrique où la notion de nombre friable joue un rôle crucial. De nature profondément probabiliste, cet algorithme repose sur des structures aléatoires qui ne sont pas traitées de manière très satisfaisante dans les implémentations actuelles, alors que cela pourrait améliorer directement le temps de calcul ou bien faciliter la modélisation et la simulation pour mieux estimer la sécurité des clefs. L'objectif de cet exposé est de décrire les grandes lignes de l'algorithme du crible algébrique, et d'expliquer la nature des problèmes où une vision "aléatoire" pourrait être fructueuse.
- Béatrice de Tilière : Le Laplacien Z-invariant massique sur les graphes isoradiaux.
Résumé.
Après avoir expliqué la notion de Z-invariance pour les modèles de mécanique statistique, nous introduisons une famille à un paramètre (dépendant du module elliptique) de Laplaciens massiques Z-invariants définis sur les graphes isoradiaux. Nous démontrons une formule explicite pour son inverse, la fonction de Green massique, qui a la propriété remarquable de ne dépendre que de la géométrie locale du graphe. Nous expliquerons les conséquences de ce résultat pour le modèle des forêts couvrantes, en particulier la preuve d'une transition de phase d'ordre 2 avec le modèle des arbre couvrants critiques sur les graphes isoradiaux, introduit par Kenyon. Finalement, nous considérons la courbe spectrale de ce Laplacien massique et montrons qu'il s'agit d'une courbe de Harnack de genre 1. Il s'agit d'un travail en collaboration avec Cédric Boutillier et Kilian Raschel.
- Brigitte Vallée : Rice-Poisson-Mellin-Newton-Laplace. Résumé.
Calendrier
- Arrivée des participants : dimanche 6 mars au soir.
- Adieux déchirants : vendredi 11 mars après-midi.